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Le cinéma de Pierre Salvadori ou comment réinventer les histoires !

Impressions de la 2de2

« Le film met en scène Yvonne, jeune inspectrice de police, qui découvre que son mari, le capitaine Jean Santi, héros local tombé au combat, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Elle doit néanmoins entretenir la mémoire d’un bon père auprès de son fils Théo. Elle doit aussi compter avec Louis, son collègue amoureux d’elle et ancien partenaire de Jean. Déterminée à réparer les torts commis par son époux, elle va croiser le chemin d’Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Antoine retrouve sa femme Agnès et sa vie d’avant… en apparence seulement car il est bien décidé à devenir le délinquant qu’il avait été accusé injustement d’être ! C’est ainsi que « l’histoire est à la fois originale et ordinaire » (Enzo).

Les situations sont cocasses, « plusieurs quiproquos sont vraiment drôles » (Samira). Certaines scènes sont absurdes, « illogiques » (Cyril). « Le comique de répétition est drôle aussi. On peut prendre pour exemple les scènes où Yvonne raconte l’histoire de son père à Théo, en déformant l’histoire à chaque fois et en la rendant grotesque » (Dorian). Renato et Lucas ont bien noté et apprécié « l’humour décalé » qui traverse le film.

Néanmoins, dans l’absurdité des situations, nous retrouvons des personnages ordinaires ou avec des profils plus ou moins convenus : fonctionnaires de police, inspecteur corrompu, faux coupable. « Ils sont dans des cases au début du film » (Jonathan). Et ils se retrouvent aux prises avec des événements qui les dépassent. A leur façon, ils essaient de réagir « avec une certaine conscience du bien et du mal, parfois contraire aux normes de la société. Ils sont ce que nous pouvons être chaque jour, ils nous amènent à réfléchir sur nous-mêmes » (Valentin). Leur marge de manœuvre, leurs réactions, s’exercent « en liberté », en dehors de cadres légaux ou conventionnels.
Ainsi, le « mélange des émotions », revendiqué par Pierre Salvadori pour son œuvre, n’a pas échappé aux élèves. « J’ai aimé ce film car il y avait toutes sortes de scènes, émouvantes, drôles, tristes, joyeuses » (Manon). Le rire, l’injustice, le bien et le mal, mais aussi l’amour : sentiment amoureux et amour filial. C’est ce dernier qui semble le plus avoir ému nos élèves. Son évidence et sa banalité sont magnifiées dans le film à travers la mémoire de Jean Santi chez son fils Théo. « J’ai aimé les histoires racontées par la mère à l’enfant » (Tristan). « Le film veut donner un message fort et émouvant sur les histoires de famille » (Alexis).

Lorsque Yvonne apprend la vérité sur son mari, « elle essaye de retirer l’admiration du fils pour son père, ce n’est pas très juste » Rihem rejoint là le réalisateur : « Cette histoire m’est venue parce qu’un jour ma mère m’a dit : « je vous ai toujours décrit votre père comme un héros dans le soleil couchant, mais c’est aussi un homme compliqué. » Je l’ai arrêtée immédiatement, car je ne voulais pas savoir la suite ! »

Ainsi, Pierre Salvadori a donc remporté son pari auprès de nos élèves. « Ce film a réussi à faire de sujets assez graves un film comique, amusant » (Romain). Ceux-ci ont bien saisi que « le sujet du film, c’est l’importance des histoires dans nos vies, l’importance de la fiction, des récits, de la poésie. La fiction nous sert à raconter à nos enfants d’où l’on vient et à perpétuer une légende familiale plus ou moins réelle. » Elle sert aussi la folie incroyable qui résulte du sentiment d’être totalement « En liberté ! », par rapport aux lois ou aux conventions sociales. »

Impressions de la 2de1

« Quelle attitude adopter lorsque l’on est accusé à tort et que cette accusation a volé huit ans de votre vie ? Cette question posée en filigrane de l’excellent film « En Liberté ! » de Pierre Salvadori a beaucoup interrogé les élèves de 2de1.

Antoine Parent (Pio Marmaï), honnête joaillier, voit sa vie basculer lorsqu’on le reconnait coupable du braquage de la bijouterie dans laquelle il travaille. A sa sortie de prison, il n’est plus le même, « le fait d’être accusé d’un crime qu’il n’a pas commis va lui faire faire ses crimes » (Max). « Ses réactions finissent par correspondre aux paroles des policiers » (Georges). « Le film montre à quel point une fausse accusation peut détruire la vie de certaines personnes (…) l’accusé, alors « coupable », se fait tellement convaincre par son accusation que lui-même y croit et devient ce qu’on l’accuse d’être, à tort » (David). « Antoine est donc prisonnier de son sentiment de culpabilité » (Eliasse). Il reçoit paradoxalement une aide d’Yvonne (Adèle Haenel), la veuve de Jean Santi (Vincent Elbaz), le policier véreux qui l’a fait incarcérer pour profiter des fruits du larcin. Yvonne – elle-même policière – entreprend de réparer les torts de son mari en couvrant les exactions d’Antoine. Se crée alors « une sorte de triangle amoureux pour Yvonne, en ayant de la peine pour (lui), l’encourageant à continuer de faire des crimes » (Georges). Plus Antoine monte dans l’estime d’Yvonne, plus son défunt mari se dégrade, à l’image de l’histoire du soir qu’elle raconte à son garçon et qui subit les détériorations dues à sa colère et rancœur. « Yvonne crée un film elle-même grâce à son imagination pour montrer la vraie nature de son mari à son fils » (Sultana), « plus elle découvre qui était réellement Jean, plus elle raconte une histoire où il se blesse, ne se défend pas » (Léna). « Les changements dans l’histoire peuvent être comparés au scénariste cherchant de nouvelles idées » (Wylan). « Le film était donc fait autour de ce mini-film, c’est une sorte de mise en abyme : le public regarde le film expliquant le film » (Léna), « on a le sentiment d’un double film, d’un film parallèle au film » (Ludivine).

Mise en abyme, « double film » et même triple film, si l’on en croit David : « les personnages vivent tous leur petit film, Yvonne en essayant de « sauver » Antoine, le fils d’Yvonne avec les histoires de son père, et Antoine, avec ce qu’on pourrait caractériser de « combat contre la vie » ».
Mais il n’y a pas que les acteurs, à l’intérieur de la fiction, qui se fassent leur histoire, le spectateur n’est pas en reste : « l’intérêt de ce film est de reconstituer les pièces du puzzle pour (vous) faire votre propre film, qui vous appartient et qui permet de vous identifier et de vous poser certaines questions existentielles sur vous et votre entourage » (Max).

C’est à chacun, en effet, de se forger un avis. « A la fin du film, nous voyons le fils d’Yvonne, rêver en bien de son père, malgré toutes les accusations qu’il a subies. Cela pourrait montrer que peu importe les choses dites sur vous, seules les plus brillantes peuvent vous faire briller dans les yeux des gens ! » (Thomas). »

A écouter, le podcast du débat autour du film animé par Aya, Paul, Tom !

Le mot de la fin à Adrien Dénouette, critique cinéma : « Dans l’inconscient collectif, les pères sont définis par l’absence ; ce sont les mères qui racontent les histoires…elles font l’Histoire ! »