Pendant deux jours, le 8 et 9 octobre 2015, Edmond Baudoin dessinateur rencontre, sous l’initiative de Monsieur Magnan, professeur de mathématiques, les élèves de Mélanie Schwob et Nadine Géhin pour parler en toute intimité des « rêveurs lunaires » BD faite avec Cédric Villani et, plus universellement, partager une expérience de vie ou arts plastiques, français et mathématiques donnent « sens » à la Création. On vous invite à entrer avec nous …
Chrystal tend une feuille de bienvenue à Edmond, elle a dessiné une arabesque.
Lui : « Magnifique : ton arabesque c’est un langage ! »
Il dessine : « Regardez voici une roue dentée…c’est déjà de la mécanique non ? »
Sourires. La classe coopère :
« Monsieur, monsieur, dessinez nous une bête mythologique comme un tigre sur une planche à roulettes !!! »
Chrystal est émue, son rire est pur, Edmond la regarde leurs deux âmes se connectent.
Ils signeront ensemble leur dessin.
Les questions fusent : comment vous avez eu envie de dessiner ? Racontez-nous votre enfance demande Bastien.
Le contact est enclenché, Edmond raconte.
« Je suis né en 1942 dans un petit village. C’est une époque anti-diluvienne sans télé ni ordi, mais on avait du papier et des crayons. Mon grand frère dessinait…c’était pour moi le plus grand dessinateur, alors moi, j’ai suivi et je vendais mes dessins à mes potes juste pour pouvoir me payer le ciné car mes parents n’étaient pas riches ! Mon frère lui, a fait de l’art contemporain puis il a abandonné, alors moi à 24 ans j’ai pris le relai ! »
En dessinant, Edmond se confie, il danse autour de ses dessins…
« C’est capital de garder ses rêves d’enfant, il faut mettre son cœur dans ce que l’on fait : à 16 ans, on est plein de poésie, de vie et d’espérances ; à 18 ans, arrive parfois la tristesse, l’amour va nous rendre beaux mais vulnérables et à 22 ans on pense : les jeux sont faits et souvent on se croit un incapable. Alors ? Non, chacun de vous a la possibilité d’aller dans ce que vous êtes ! N’hésitez jamais !
Moi à 30 ans j’ai tout bousculé ! J’étais dans l’urgence comme si j’allais mourir demain, alors j’ai voyagé dans le monde…puis j’ai crée mon propre boulot, j’ai illustré les poètes Neruda et Rimbaud, ça m’a mis en route, j’ai avancé ! C’est fabuleux d’avancer ! »
Edmond rit, la classe sourit :
« Je dessinais partout, dans le train, sous le feu des cartels au Mexique…Le dessinateur pose un regard différent sur la vie et le monde…l’art rend la vie plus importante.
Mon pote Cédric Villani (médaille Fields de mathématiques) avec lequel j’ai bossé sur les ‘Rêveurs lunaires’ lui aussi rêve sans arrêt…
C’est cela l’humain, c’est faire des trucs qui existeront au-delà de sa propre vie, comme un vieux qui va planter un olivier pour les générations futures ! »
Monsieur, c’est quoi vos nouveaux rêves ?
Edmond dessine et réfléchit : « Bien, à question intelligente, je diois répondre avec intelligence ! Mon désir, c’est de mettre de la vie et ça, c’est magique ! »
Il anime sa feuille de touches de musique.
« Le silence fait peur, c’est la feuille blanche…Moi en dessinant, je raconte une histoire, je m’imprègne des ambiances…
Il fait des tâches avec son pinceau à l’encre de chine.
« Là, je vais dessiner une voiture. Je me questionne sur les reflets du métal sur ma sensibilité, je ne vois pas la technique mais ce qu’il y a derrière. Si je dessine un arbre, je vais aller sur ce que je ressens de vie dans cet arbre ! »
Edmond dessine en dansant :
« Je dessine l’humain, l’humanité qui s’est perdue ! »
La classe : Vous pourriez, comme un poète, dessiner le visage du bonheur ?
Avec son feutre, il dessine le visage d’une jeune fille
« Les traits au feutre, c’est technique, ça fige. Mais, avec le pinceau, la vie arrive comme le violoniste avec l’archet…il fait de la musique.
Là, je lui fais des cheveux, la bouche, regardez, la lumière change tout…je mets des ombres… »
Les élèves sont captivés, émus, ils écoutent Edmond qui commente :
« …plus je mets de traits, plus la vie devient importante. La vie c’est la complexité, toute la création est complexité…
Avec le dessin je crée de la vie ! » Nadine GEHIN