Au cours de la soirée privée du lundi 27 octobre au Negresco à Nice, les élèves des classes de Seconde MVA1 et Première MVA2 ont été invités par la Fondation de France ainsi que leurs parents, leur professeure de français Nadine Géhin et Hervé Beauvais, proviseur, à l’occasion de la lecture de testaments d’auteurs.
Lecture incarnée par Sarah Biasini et Olivier Sitruk qui ont prêté leur voix et leur talent de comédiens afin de faire vivre et mourir des personnages « phare » de la littérature. Alice aux pays des merveilles d’Irène Frain, Anna Karénine de Catherine Cusset, Emma Bovary de Michel Quint et Lowenstein de Simonetta Greggio.
Le lycée des Eucalyptus a été associé à cet événement. Après un travail important, les élèves ont composé douze testaments. Trois d’entre eux ont été sélectionnés et lus en public : Valmont par Thierry Maurel, Gavroche par Taoufik Abdelhamid et Bader Benrajah et le Chêne de la célèbre fable de Jean de La Fontaine illustrant un travail collectif de la classe de Première. Les testaments sont accessibles ci dessous.
Ce fut un joli moment de générosité et de partage, dans un cadre d’exception, avec la Fondation de France. Article Fondation de France.
Les testaments récompensés:
« Ce n’est pas ma faute… »
Testament de Vicomte de Valmont
J’ai eu nombre de pupitres, le plus plaisant fut Emilie…
Mais « après cette nuit orageuse pendant laquelle je n’ai pas fermé l’œil », c’est épuisé et surtout seul que penché sur ma table de travail, j’écris cette lettre testimoniale.
Je vais mourir en duel dans quelques heures et il me faut, outre me confesser, faire don de ce qui fut et ma perte et mon salut.
Libertin, calculateur, manipulateur cynique je le suis, le fus mais était-ce ma faute ?
Moi, Vicomte de Valmont prête ma plume pour rétablir une certaine forme de vérité. Conquérir fut mon destin, je l’ai suivi me servant de tous comme de pions pour parvenir à mes fins.
Danceny, va, en plus de réparer son honneur, m’aider à être ce que j’ai parfois souhaité sans jamais y parvenir vraiment : un homme digne.
A vous, cher Chevalier Danceny, je donne ma vie. Si tant est qu’elle ait un autre prix que celui de la trahison. Que vous puissiez vous venger bientôt me tourmente et m’apaise.
Je dois vous dire combien il me fut facile de séduire et corrompre votre charmante Cécile. La jeunesse a des charmes tentants…
L’initier à l’amour pour mieux vous combler fut d’une simplicité vite ennuyeuse. On se lasse de tout que voulez vous !
Je vous laisse donc, si vous le souhaitez encore, le choix de récupérer ce que j’ai gouté mais dont je suis déjà fatigué. Plus rien ne m’amuse.
A vous, Cécile, douce demoiselle, je vous lègue ma glaciale lucidité. Me connaitre vous a fait passer du pensionnat au couvent, soyez en donc reconnaissante.
« Maman par ci, maman par là … »
La belle enfant que vous êtes a appris où mène la naïveté pour ne pas dire la bêtise. Après l’éveil des sens, je vous invite à découvrir l’éveil de l’esprit…
A vous Madame de Tourvel, je vous laisse mes remords et cette part de sincérité qu’il me faut vous dévoiler.
Je vous ai séduite par jeu. Vous avez été ma tendre victime.
Ma douce dévote, comme il me fut agréable de voir chaque jour vos résistances céder, votre cœur s’ouvrir.
Votre charme mais surtout votre naturel joint à la grâce de votre esprit pur m’ont saisi et de bourreau, je suis devenu victime.
Je vous aime et vous ai trahie en rentrant dans le lit d’autres femmes alors que je vous écrivais chaque soir ma flamme.
Je vous ai séduite mais au final, c’est moi qui m’y suis perdu et vous ai perdue définitivement.
J’ai fouillé votre intimité, intercepté vos lettres, me suis crée de toute pièce une fausse conduite charitable, ai abusé du père Anselme pour me rapprocher de vous et tant d’autres stratagèmes !
A l’amour que j’ai bafoué par cruauté et commodité pour rester fidèle au serment fait à la Marquise de Merteuil, je donne ce qui me reste de sincérité.
Vous êtes mon possible rachat.
Je vous demande pardon Madame. J’y pense jour et nuit. J’ai eu besoin de vous sacrifier pour me sauver du ridicule d’être amoureux.
Je veux, par la présente, exprimer mon plus secret désir : déposer dans vos mains un cœur torturé épris et palpitant de repentir.
A ma charmante et vieille tante Madame De Rosemonde, je livre la vérité. Vous avez collecté ma correspondance et, bien que vous allez me voir tel que je suis, un bien vilain neveu, je m’en remets à votre sagesse pour être miséricordieuse.
Enfin, je garde mes dernières lignes pour mon ancienne amante, amie et rivale la belle mais au combien perverse Marquise de Merteuil.
Que vous léguer ?
Cette conviction que votre beauté va révéler bientôt sa laideur. Vous vieillissez ma chère et ce n’est pas de ma faute.
Que votre jalouse et avilissante nature vous précipite à votre perte est une certitude que je caresse et de cela, ce n’est pas ma faute.
Tous nos écrits vont apparaitre au grand jour; cela m’a échappé et quoi vous dire d’autre que… ce n’est pas ma faute.
A la guerre déclarée, à la duplicité de l’âme, je choisis la pureté et la paix et ça aussi, ce n’est pas ma faute.
« On s’ennuie de tout mon ange. Que voulez vous ? » « Mais croyez moi, on est heureux que par l’amour ».
Mais y êtes-vous capable ?
Je termine cette lettre en écrivant cette évidence : le discernement, la vérité, la pureté, l’amour sont les grandes affaires de l’existence.
En la quittant, j’en goûte d’autant plus crûment la saveur.
Valmont
Par Thierry Maurel, élève de Première 1MVA2
D’après « Les liaisons dangereuses », Choderlos de Laclos.
« Je suis tombé par terre
C’est la faute à Voltaire …»
Testament de Gavroche
La révolte gronde.
5 juillet 1832, c’est l’insurrection dans les rues de Paris. Il pleut des balles sur les barricades et c’est en chantant que je ramasse celles des soldats morts.
Ça s’est calmé depuis trois heures. On crève d’ennui. Un gars qui sait écrire m’a d’mandé pour s’marrer de lui dicter mon testament.
Fichtre ! Pourquoi pas !
« Après tout, planter le drapeau rouge de la Révolution n’est pas sans risque » il a dit.
J’mappelle Gavroche, j’ai douze piges. J’vis dans la rue depuis qu’ ma mère, la Thénardier m’a flanqué dehors d’un coup de pied au cul me foutant une dernière torgnole.
« Sale mioche, fiche le camp de ma vue », elle a hurlé. Son cœur est plus dur que le pavé. Elle réserve toute sa tendresse à Eponime et Azelma, mes frangines qu’elle a toujours à la bonne.
Si j’meurs, j’ai pas de fortune à léguer. La liberté, c’est mon bien le plus précieux.
Je pionce dans les entrailles d’un éléphant, monument en ruine couvert de moisissure que j’ai aménagé en p’tit logis.
J’aime croquer la vie à pleines dents comme le pain blanc que j’adore. J’ai dans la tronche des étoiles et dans le ventre souvent rien à becqueter.
Mais j’ai appris à m’demerder pour gagner ma croûte. C’est ça que j’veux offrir à ceux qui liront mon testament. J’ai appris à pêcher dans le caniveau, gratter les ruisseaux, dérober les bourgeois bien rondouillards et leur piquer leur pognon à ces gros pigeons et une fois en poche j’deviens aussi insaisissable que l’air.
« S’iouplaît » Monsieur ! J’dis avec un air de chien battu. C’est facile d’les plumer ces grands cornichons !
A mon père, ce vrai « filousophe » je reconnais avoir pris de sa ruse de voleur mais pas de sa radinerie. Je lui laisse mes quelques sous, peut-être, il sourira en les prenant.
A la Thénardier, ce colosse en jupons qui jure comme un charretier, je reconnais parler comme elle. Je la libère de son horrible rôle de mère.
Devenu enfant du vent, je bataille, gueule, siffle et chante à tue tête : « tutu chapeau pointu ».
Je veux qu’on se souvienne de moi comme un enfant vif d’esprit, espiègle et narquois comme le moineau sur les branches avec un rire de gosse frondeur et hardi.
Les balles, je les frôle avec audace, joue avec la mort comme à cache-cache en chantant et reprenant toujours de plus belle :
« Je ne suis pas notaire
C’est la faute à Voltaire
Je suis petit oiseau
C’est la faute à Rousseau »
Enfant feu follet, « gamin fée », mon destin est de me « vautrer dans le fumier et en sortir couvert d’étoiles. »
Mourir, la grande affaire !
Hugo écrira, une fois ma course définitivement arrêtée : « cette petite grande âme venait de s’envoler ».
Je vous lègue mon insouciante et éternelle jeunesse. Que la gaieté vous foudroie et mon âme d’enfant parisien vous fasse brailler à vous péter l’instrument les valeurs de Voltaire et Rousseau.
Par Taoufik Abdelhamid et Bader Benrajah, élèves de Seconde 2MVA1
D’après « Les Misérables », Victor Hugo.
Avec repentir et joie
Testament du chêne
Moi Chêne, grand, majestueux né noble pensais mourir noble.
Il n’y avait aux alentours guère de fortune plus grande que la mienne. J’ai traversé l’existence avec délectation, tout m’était zéphyr…
Je me suis longtemps cru éternel…longtemps.
Comment, moi qui ai tout vu, tout fait, aurais-je pu penser différemment ?
Il m’a fallu découvrir un frêle roseau, un type terne et sans réelle consistance, pour apprendre le sens de l’existence.
Alors que je lui offrais ma compassion et mon aide il les a fermement déclinées.
Quelle présomption !
A l’écouter, il préférait sa misérable vie.
« Je plie et ne romps pas » m’a t- il dit. Je ne l’ai pas entendu trop occupé que j’étais à jouir des plaisirs d’ici-bas et construire ma propre glorification.
Les vents contraires m’ont férocement donné à penser qu’il avait raison.
Je suis mort et c’est d’outre-tombe que j’enracine mon testament. Foudroyé, tombé de ma grandeur, j’ai enfin appris que le Destin est pour tous le même : nous mourons un jour et ce jour là, les masques tombent.
Mon prétendu pouvoir n’était que vanité.
A dire vrai ma générosité fut feinte. J’ai profondément méprisé le roseau faisant semblant de vouloir lui offrir ce qu’il n’avait pas pour mieux lui faire savoir ce qui lui manquait.
Comme ça m’a plu d’être cet homme faussement charitable.
J’eus aimé le voir me supplier, le voir m’aimer mais in n’en a rien été. Il est resté digne et a fait de sa faiblesse une force face aux coups répétés du Destin. Heureusement d’autres me vénéraient, me complimentaient jouant le jeu que j’attendais d’eux. Mais ça n’a pas suffit !
Mon héritage, ce que je lègue, c’est cette leçon de vie qui m’a durement été donnée. Si je pouvais ressusciter, je voudrais être parcouru de cette sagesse. Je voudrais être bon véritablement non pour me donner une conscience mais parce que réellement animé de cet amour pour mon prochain.
J’ai eu la chance de naître dans un pays en paix. Que ceux qui ont cette chance s’en aperçoivent…
Aux humains qui sont chênes parce que riches et puissants, je souhaite qu’ils aient la grandeur de penser que leur vraie force vient de ce qu’ils feront de cette hauteur…
Avec repentir et joie.
Travail collectif, classe de Première MVA1
D’après la fable « le chêne et le roseau », Jean de La Fontaine.